Le harcèlement moral des employés de la place financière suisse. Par Liliane Held-Khawam (article paru dans Le Temps du 20 août 2012)

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Rien n’y fait. Les clients continuent d’affluer! Sans désarmer, les ennemis de la place s’en prennent à l’autre bout de la relation commerciale: la population active du secteur. Ses compétences en qualité et quantité sont l’assise de la place!

En laissant les banques transmettre des données aux autorités américaines, dont les noms de collaborateurs, Berne n’a pas rempli son rôle de protecteur du citoyen. Une action qui pourrait bien briser des carrières, des vies, des familles.

Il était une fois une zone euro moribonde et en faillite. Ses dettes publiques financées par des instituts financiers eux-mêmes mal en point ont vu leurs taux d’intérêt grimper de manière vertigineuse! Un petit voisin extrêmement riche, travailleur, prudent et pacifié s’est tenu à l’écart de l’usine à gaz de Bruxelles. La Suisse, miracle économique par temps de tempête! Le trésor suisse fait saliver les financiers européens et mondialistes. Il se compose d’une banque centrale (BNS) très riche et de la première place mondiale de gestion de fortune. Par ailleurs, si l’argent est là, le leadership des autorités politiques est plus que discret. Par un beau matin de septembre 2011, la banque centrale, prudente jusque-là, annonce son arrimage à cette zone (à ne pas confondre avec la fixation de taux plancher).

Cet acte politique a envoyé un message au marché financier: la richesse de la Suisse est solidaire des dettes européennes. La finance européenne peut dès lors compter sur une BNS, société anonyme cotée en bourse, dont un tiers des actions est détenu par des privés et dont certains de ses administrateurs cumulent des mandats avec des banques privées! Elle est souveraine dans la gestion d’un patrimoine public riche, peut faire fonctionner la planche à billets et acheter les devises de son choix à loisir. Sans limite! Et qu’achète-t-elle en priorité? Des euros, beaucoup d’euros. Elle met l’euro et sa zone sous perfusion. 60% des devises actuelles de la BNS sont en euros.Par ailleurs, la planche à billets turbine, créant toutes les conditions pour une inflation potentielle violente. Enfin, les idéologues européistes se refusent à imaginer la mort totale ou partielle de l’euro qui mettrait la Suisse en faillite. Comme si cela ne suffisait pas, les autorités font voter au même moment une loi dite « too big to fail » qui permet à la BNS de soutenir de manière illimitée les banques mondialisées.

Cette loi plus l’arrimage à la zone euro explique grandement les taux d’intérêt européens actuels faibles à négatifs malgré une panne durable de son économie réelle! Cadeau royal – suicidaire – payé par le contribuable bien sûr! Reste le deuxième pilier du trésor suisse, sa riche et efficace place bancaire, objet de toutes les convoitises! Les puissances économiques d’hier désargentées l’attaquent massivement.

Toutefois, malgré le dénigrement, la diffamation, la mort de son secret bancaire, les trahisons intérieures, la violation répétée et massive de sa loi sur la protection des données…

Rien n’y fait. Les clients continuent d’affluer! Sans désarmer, les ennemis de la place s’en prennent à l’autre bout de la relation commerciale: la population active du secteur. Ses compétences en qualité et quantité sont l’assise de la place!

L’attaque est psychologique.

On pratique le lynchage en donnant le nom de collaborateurs diligents en pâture à la première puissance mondiale sans autre forme de procès. On fait d’un simple collaborateur un criminel. On le fait accuser d’avoir chassé activement le fraudeur américain.

Mais comment a-t-il pu l’avoir fait tout seul depuis les rives du Léman ou de la Limmat? Et s’il s’est rendu aux Etats-Unis, qui a payé les frais de voyage? La réalité est qu’un collaborateur de banque a très peu de marge de liberté. Le contrôle est sévère. Il applique les directives et travaille à une mission qu’on lui assigne. Dès lors, ne s’agit-il pas d’une stratégie d’entreprise? Les banques agissaient-elles de concert à l’image du Libor?

Par ailleurs, ces grandes banques puissamment présentes aux Etats-Unis avaient-elles besoin de l’employé en Suisse pour lui «rabattre» le client? Est-ce que les têtes de ces processus commerciaux sont sur les listes communiquées? Sont-elles en Suisse? Qu’apportent les noms de collaborateurs bancaires vivant en Suisse à un pays comme les Etats-Unis?

Cette attaque a une finalité psychologique. Ce harcèlement moral des employés de la place financière est très efficace pour saper leurs bases psycho-émotionnelles. La victime peut perdre totalement ses moyens. Les collègues non concernés seront tout aussi terrorisés. Alors est-on en train de créer une psychose dans le milieu de la finance suisse afin de paralyser son activité?

Ces débordements de toute part n’ont été possibles qu’à cause d’un leadership politique pour le moins discret. Quel rôle le Conseil fédéral a-t-il joué dans les abus de transfert de données? A-t-il cautionné cette action qui mène à des carrières, des vies et des familles brisées durablement? On nous parle de la responsabilité de la Finma. Et quand bien même ceci était le cas, a-t-elle les moyens de suspendre l’ensemble des lois suisses hors du champ politique pour satisfaire un tiers étranger et couvrir des instituts privés contre le citoyen?

Dans tous les cas, on ne prend pas de risque en disant qu’il y a eu une faillite grave à la tête des autorités en tant que protecteur de la législation suisse et du citoyen! Le manque de clarté du rôle des dirigeants suisses actuels est problématique. On ne sait pas où sont les responsabilités, et les adversaires de la Suisse en profitent.

La Suisse d’aujourd’hui dilapide depuis presque une année son patrimoine sans se faire d’alliés. Elle distribue les bijoux de famille sans signer de conventions définitives, b.a-ba de la négociation. Face à autant d’incompétence ou de complaisance, les négociateurs adverses doivent bien rire.

En conclusion, la Suisse est dépouillée, humiliée, sa législation piétinée impunément et par-dessus tout des milliers de citoyens sérieux injustement criminalisés. Des institutions privées telles que les banques passent par-dessus les autorités pour tirer leur épingle du jeu.

Et ça marche.

La solidarité de la BNS avec les banques mondialistes centrales et privées totalement déconnectée de la politique et de la réalité économique suisse (bilan BNS/PIB suisse) ne reçoit aucune contrepartie en faveur des tractations internationales des politiques! Exemple unique au monde! La Suisse doit retrouver ses fondamentaux que sont ses repères basés sur la souveraineté, la volonté et les besoins du peuple. C’est au monde économique de s’adapter aux peuples et pas le contraire, condition de sauvegarde de la démocratie et de la liberté humaine!

Liliane Held-Khawam