Cfa: Le Quantitative Easing de Draghi rend caduque la zone franc. Par François Ndengwe

 

Les Africains, du moins ceux de la zone dite «franc», devraient retenir la date du jeudi 22 janvier 2015. Elle marque ce qui devrait être, organiquement, la fin de cette zone. Ou, de façon plus précise, la fin du contrat entre d’une part, les pays africains CFA, et d’autre part la France, en tant que membre du système monétaire européen que représente la Banque Centrale Européenne. Le jeudi 22 janvier 2015, c’est la fin franc CFA. Que s’est-il passé? Rappelons les faits.

Ce 22 janvier, la Banque Centrale Européenne (BCE), par la voix de Mario Draghi, son président, a annoncé trois décisions dont la première et principale, annule de fait et l’esprit et la lettre des quatre textes selon lesquels fonctionne la BCEAO (Banque Centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest): les accords de coopération entre la République française et les Républiques membres de l’Umoa (Union Monétaire Ouest Africaine) du 4 décembre 1973; la convention de compte d’opérations signée le 4 décembre 1973 entre la République française et l’Umoa; le traité de l’Umoa, entré en vigueur le 1er avril 2010, et les statuts de la BCEAO. Cette annulation s’applique, évidemment, aux quatre textes similaires, qui régissent la BEAC (Banque Centrale des Etats de l’Afrique Centrale), l’institution sœur de la BCEAO. La Banque Centrale des Comores (BCC) n’échappe pas non plus à cette annulation.

Tout d’abord, il faut comprendre que ces textes qui lient ces banques centrales africaines au Trésor français et à la Banque de France, la Banque Centrale française, les lient en réalité à la BCE, dont la Banque de France est devenue depuis l’avènement de l’euro, une antenne subordonnée. Le siège de la BCE est à Francfort en Allemagne. Celui à Paris, de la Banque de France, n’a plus d’autonomie de politiques monétaire ou de crédit. Tout le pouvoir de ces deux politiques est désormais concentré à Francfort. Ainsi, toute décision de la BCE s’impose à la Banque de France et par transitivité, à la BCEAO, à la BEAC et la Bcc dont les monnaies, le franc CFA et le franc comorien, ne sont que des sous-multiples fixes, hier du franc français, aujourd’hui de l’euro, le franc français ayant disparu.

Qu’a donc décidé la BCE? Pour ce qui concerne le sujet de cet article, l’on peut en retenir les quatre points suivants:

Un, la BCE va lancer à partir du mois de mars 2015, un programme étendu d’achats d’actifs d’une ampleur sans précédent: 60 milliards d’euros par mois. Deux, les titres achetés pourront avoir une maturité s’étirant jusqu’à trente ans. Deux, les actifs achetés seront des obligations privées et publiques sur le marché secondaire. Ces achats se poursuivront mensuellement jusqu’à septembre 2016, avec un montant total atteignant 1,140 trillion d’euros. Mais, précise le président de la BCE, ce programme peut aller au-delà de septembre 2016 puisque ces achats «seront dans tous les cas conduits jusqu’à ce que nous voyions un ajustement soutenu de la trajectoire de l’inflation qui est compatible avec notre objectif d’atteindre des taux d’inflation inférieur à, mais proche de, 2% dans le moyen terme». Quatre, la raison annoncée de ce programme massif d’achat, est la chute de l’inflation, la peur de la déflation dans la zone euro. En novembre 2014, l’inflation dans la zone euro était de 0,3%. Le mois suivant, en décembre 2014, elle a spectaculairement chuté, de 166%, pour s’établir à -0,2%. La déflation est donc présente, avec tous les risques d’effondrement économique et d’accroissement d’un chômage déjà trop important qu’elle contient. L’on peut déjà le noter, la BCE ne tient aucun compte quand elle décide, de la situation des pays africains CFA. Or répétons-le, ces pays, font bien partie de la zone euro. Et toute décision de la BCE a des répercussions immédiates sur eux. Quelles sont ces répercussions? C’est le dernier souci de la BCE et de son président. Seul compte pour lui, la mission de relever l’économie européenne, de combattre la déflation et le chômage qui la mine.

De l’argent créé à partir de rien, à partir du vent

La Bce a donc décidé d’injecter au moins 1,140 trillions d’euros sur le marché de la zone euro. C’est de l’argent créé à partir de rien, à partir du vent. Il n’y a aucune contrepartie en biens ou service. C’est, comme disent les anglais, de la «fiat money», de la monnaie de papier. Mais en réalité, c’est moins que cela puisque, la BCE n’a même pas besoin de dépenser des frais en papier pour imprimer cet argent. Il s’agit de l’argent digital, de clics sur une souris pour acquérir les titres de dettes privées et publiques.

En la matière, la BCE n’innove pas. L’avaient devancée, depuis le début de la crise en 2008, la Federal Reserve (Fed), la banque centrale des USA; la Bank of England (BoE), la banque centrale anglaise; ainsi que la banque centrale japonaise (BoJ). Début 2009 à mars 2014, la Federal Reserve a, via la création monétaire pure, la planche à billet comme on dit couramment, acheté un total de 1,9 trillion de dollars US de bons du Trésor à long terme du gouvernement des USA, et 1,6 trillion de dollars US d’obligations privées, ce qui représente respectivement 11,0% et 9,6% du PIB américain. Entre janvier 2009 et novembre 2012, la Bank of England a également créé de l’argent à partir du vent pour acheter en tout 375 milliards de livres sterling d’obligations à moyen et long terme du gouvernement britannique, soit 24% du PIB du Royaume Uni. Les Anglais ont baptisé du doux nom de «quantitative easing», assouplissement monétaire, ces créations ex-nihilo d’argent, qui pourrait plutôt s’apparenter à du faux-monnayage, sinon du vol pur et simple.

Les 1,140 trillion d’euros que la BCE va créer à partir du vent, c’est 747,79 trillions de francs CFA. C’est un océan d’argent qui s’ajoute aux rivières de cash que la BCE a déjà déversées sur la zone euro depuis le début de la crise, pour soi-disant combattre celle-ci.

Avant cela, la BCE avait utilisé jusqu’à épuisement, l’arme des taux d’intérêt. Entre octobre 2008 et mai 2009, elle fait passer son taux de 4,25/ à 1%. Puis baissera encore, le fixant à 0,15% entre décembre 2011 et juin 2014. Le but visé est alors d’encourager le crédit, de pousser les banques à prêter et les entreprises et ménages à emprunter. Cela n’a pas marché. C’est alors que le BCE a enclenché l’arme des liquidités. Deux instruments de refinancement des banques ont été inventés: le Mro (Main Refinancement Opérations) et le Ltro (Long-term refinancement operations). D’ordinaire sourcilleuse sur la qualité des collatéraux, la BCE devint moins regardante sur ceux-ci. Grâce au Mro et au Ltro, elle ouvrait, à la disposition des banques commerciales, un accès en fait illimité aux liquidités de la banque centrale.

La BCE se fit encore plus accommodante sur les maturités. Au départ, les Ltros ne devaient avoir qu’une maturité au plus égale à trois mois. La BCE l’allongea par la suite à six mois, puis à un an et puis après, à trois ans, au détour de deux nouveaux tours de passe-passe dénommés Vltro (very long term refinancing operations) en décembre 2011 puis, seulement deux mois après, en février 2012. Ces deux dernières opérations ont déversé sur le marché, 1 trillion d’euros. Ce montant et celui qu’a annoncé la BCE le jeudi 22 janvier 2015, font une somme de 2,14 trillions d’euros qui est voisine de 2,5217 trillions d’euros, le PIB de la zone euro durant le troisième trimestre 2014. On le voit, les créations monétaires, ex-nihilo, de la BCE sont de très importantes sommes d’argent, aussi bien en valeur absolue qu’en valeur relative, si on les compare comme on vient de le faire, au Pib.

Elles sont encore plus importantes si on les compare aux données de la zone franc. On mesure alors à quel point, le jeu est faussé aux dépens des Africains. Les 2,14 trillions d’euros que la BCE peut se permettre de créer en quelques clics de souris, c’est l’équivalent de 1 403,75 trillions de francs CFA. C’est plusieurs fois le PIB annuel des pays de la zone franc.

Les deux points essentiels à retenir à ce niveau, relatifs à la préoccupation du présent article, sont: d’une part, ces créations monétaires, on l’a vu, se font sans aucun souci de leurs conséquences sur les pays africains CFA qui pourtant sont partie intégrante de la zone euro. D’autre part, on le verra, du fait de la parité fixe entre l’euro et le franc CFA, elles modifient de façon très défavorable aux pays africains CFA et très favorables aux pays européens de la zone euro, l’équation générale des échanges. Ces deux conséquences, provoquées par des décisions unilatérales de la BCE, subvertissent les textes réglementaires de la BCEAO, de la BEAC et de la BCC. Elles annulent ces textes.

L’équation généralisée des échanges

Pour bien comprendre ce qui se passe, rappelons l’équation des échanges. Cela conduit à revisiter la théorie quantitative de la monnaie, telle que reformulée par Irving Fisher, dans son livre paru en 1912 et intitulé The purchasing power of money: its determination and relation to credit, interest and crises (New York: The MacMillan Company). Dans ce livre, page 25, l’auteur pose l’égalité suivante qu’il appelle équation algébrique des échanges:

Draghui1

où M représente la quantité de monnaie; V, la vitesse de circulation de la monnaie, pj et Qj, le prix unitaire du bien j et la quantité vendue de ce bien. L’indice j va N° 73 février 2015 47 de 1 à n, pour décrire tous les biens vendus dans l’économie considérée.

L’on peut dire que le premier membre de cette équation, le membre de gauche, est celui des acheteurs. Il est la somme d’argent dépensée par tous les acheteurs durant la période considérée. Le second membre de l’équation, le membre de droite est celui des vendeurs. Il est la somme d’agent reçue par tous les vendeurs durant la période considérée.

L’on voit ainsi, à cause de l’indice j qui décrit tous les biens vendus, que cette gamme de biens est infiniment grande. Mais, quelle que soit la taille de l’économie considérée, qu’il s’agisse d’un village de deux habitants ou de la terre entière, n, le nombre total des biens vendus et donc achetés dans l’économie, reste dénombrable et surtout, fini.

L’équation d’Irving Fisher peut s’améliorer, notamment son premier membre. Le «M» avons-nous vu, représente la quantité de monnaie. Mais dans toute économie moderne, cette quantité n’est pas un bloc monolithique. Elle est composée de plusieurs instruments de paiement. Et chacun de ces instruments de paiement a sa propre vitesse de circulation. On généralise donc l’équation d’Irving Fisher de la façon suivante:

Draghui2
Mi est la quantité de l’instrument de paiement i en circulation, et Vi, la vitesse de circulation de cet instrument, et r le nombre d’instruments de paiement utilisés. Des exemples d’instruments de paiement sont par exemple: le cash, c’est- à-dire les billets de la banque centrale; les pièces de monnaie; les chèques des banques commerciales; les cartes de crédits; les crédits accordés par les vendeurs, etc.

Quand la Bce crée ex-nihilo un océan d’argent comme elle le fait depuis six ans avec les Mro, Ltro et Vltro et surtout depuis l’annonce du jeudi 22 janvier 2015, elle accroit artificiellement Mi, pour ce qui concerne l’instrument de paiement qu’elle, banque centrale crée. Cet accroissement est un énorme désavantage pour la Bceao, la Beac et la Bcc pour au moins trois raisons.

D’abord, elle fournit aux opérateurs économiques de la zone euro, un avantage indu par rapport à leurs collègues des pays africains cfa. En particulier, les institutions financières de la zone euro qui opèrent dans les pays africains cfa sont les premiers bénéficiaires: banques et assurances en tête. Cet avantage joue à fond, étant donné les quatre principes de fonctionnement du cfa qui imposent à ces pays: la parité fixe avec l’euro, la libre convertibilité; la libre circulation et la mise en commun des réserves au Trésor public français, dans le compte d’opération.

Deux, par cet accroissement, la Bce et donc la Banque de France, se permettent allègrement ce qui est strictement interdit à la Bceao, à la Beac et à la Bcc. Prenons juste le cas de la Bceao dont l’article 36 des statuts impose: «La Banque centrale (c’est-à-dire la Bceao) ne peut accorder des financements monétaires aux Trésors publics, aux collectivités locales ou à tous autres organismes publics des Etats de l’Umoa». Or le quantitative easing de la Bce est justement destiné à acheter les effets publics des Etats de la zone euro, c’est- à-dire à les financer. La Bce se donne les mains libres pour agir directement en faveur de ses Etats-membres. La Bceao, la Beac et la Bcc ont les leurs liées, s’interdisant statutairement toute action.

Trois, l’artificiel gonflement du Mi de la Bce induit un accroissement des autres Mi, c’est-à-dire de tous les autres instruments au sein de la zone euro. En conséquence et à cause de la parité fixe, le rapport entre d’une part, le total des quantités d’instruments de paiement de la zone euro et d’autre part ce total pour les pays africains cfa, s’accroît subitement, et fortement, sans aucune justification économique. Cet accroissement est une décision unilatérale et arbitraire de la Bce. Un tel accroissement met en danger les économies africaines cfa, un danger de prédation car avec de la monnaie papier, c’est-à-dire du vent ou des clics de souris, les agents économiques de la zone euro, peuvent venir «acheter», en fait s’emparer de biens réels, telles les matières premières, le pétrole, l’or, l’uranium, etc.

La Bce reconnaît son échec

En l’état actuel des choses, ces économies n’ont aucun moyen pour se protéger. Elles ne peuvent que subir. L’équation généralisée des échanges est très claire à ce sujet. Elle montre un déséquilibre persistant en défaveur des économies africaines cfa. S’il faillait maintenir les textes régissant la zone franc, corriger ce déséquilibre exigerait que la Bce puisse ex-nihilo créer ou imprimer non pas des euros, mais du pétrole, de l’or, de l’uranium, etc. Comme cette création est impossible, il ne reste plus, si l’on est logique, que l’annulation de ces textes, la fin de la zone franc, comme on l’a vu plus haut.

A ces deux raisons mises en évidence par l’équation généralisée de Fisher et qui par les termes représentant la quantité d’instruments de paiement, sont déjà suffisantes pour mettre fin à la zone franc, s’ajoute une troisième raison liée cette fois aux taux d’intérêt.

Nous avons vu comment la Bce a utilisé en vain l’outil des taux d’intérêt pour combattre la crise. En vain. Elle a échoué. Elle a abaissé dramatiquement ses taux, les ramenant à près de zéro pour cent. La Bce reconnaît elle-même cet échec: «Dans la période actuelle de croissance atone et de faible inflation», écrit la Bce dans son site internet pour justifier le quantitative easing du 22 janvier 2015, «le seul instrument du taux d’intérêt n’a pas suffi à ramener l’inflation vers un niveau proche de 2%. Si la Bce avait pu réduire encore les taux d’intérêt, elle l’aurait déjà fait. Cette option n’étant plus disponible, le programme d’achats d’actifs était le seul instrument approprié pouvant permettre à la Bce d’obtenir un résultat similaire».

Il faut bien connaître les types de taux de la Bce ainsi que leur niveau actuel. La Bce a trois types de taux. Un, le taux d’intérêt des opérations principales de refinancement (main refinancing operation Mro), qui fournit le gros des liquidités au système bancaire. La Bce et la Banque de France se permettent ce qui est strictement interdit à la Bceao, à la Beac et à la Bcc. Deux, le taux de facilités permanentes de dépôt au jour le jour, qui rémunère le dépôt au jour le jour des banques auprès de la Bce. Trois, le taux de facilités permanentes de prêt marginal au jour le jour, que doivent payer les banques qui empruntent marginalement au jour le jour à la Bce.

L’évolution de chacun de ces trois taux depuis le début en 2008 de la crise qui secoue la zone euro mérite au moins un chapitre entier d’un livre. Cette évolution montre un mélange d’incompétence et d’impotence. Malgré l’énormité des moyens dont ils disposent, les sommités de la Bce n’ont rien pu faire pour résoudre la crise. Ils ont abaissé et continué d’abaisser les taux. Rien à faire. Comment descendre sous zéro!

Et oui, fait rare dans l’histoire économique, la Bce est descendu en dessous de zéro dans l’un de ces taux. En effet, le 5 juin 2014, la Bce a décidé d’instaurer un taux d’intérêt négatif pour la facilité de dépôt. Ce taux, qui devait entrer en vigueur le 11 juin 2014, s’applique «aux avoirs de réserve moyens dépassant les réserves obligatoires et aux autres dépôts auprès de l’Eurosystème». Ce taux était donc fixé à -0,10%. Au 10 septembre 2014, on l’a encore diminué: il est donc de -0,20%.

Il faut bien mesurer la signification d’un tel taux négatif: il signifie qu’une banque qui déposerait de l’argent auprès de la zone euro serait pénalisée. C’est comme si votre banque frappait d’un intérêt négatif, votre avoir qu’elle détient! On marche sur la tête!

L’article 7 de la convention du compte d’opérations

Et une fois de plus, cette marche contre nature cause de graves dommages aux pays africains cfa. Pour s’en rendre compte, lisons la convention de comptes d’opérations signée à Dakar le 4 décembre entre la République française, représentée par son ministre de l’économie et des finances, M. Valéry Giscard d’Estaing, et les pays de l’Umoa, représentés par M. Edouard Kadjs, président du conseil des ministres de l’Umoa.

Arrêtons-nous à l’article 7: «Lorsque le solde du compte d’opération sera débiteur, la Banque centrale (la Bceao) règlera sur ce solde des intérêts dont le taux sera fixé de la manière suivante: sur la tranche de 0 à 5 millions de francs: 1% sur la tranche de 5 à 10 millions de francs: 2% au-dessus de 10 millions de francs: taux égal à celui fixé à l’alinéa ci-après. Lorsque le solde sera créditeur, le montant moyen des fonds en dépôt au cours de chaque trimestre sera assorti d’un taux d’intérêt général égal à la moyenne arithmétique des taux d’intervention de la Banque de France sur les effets publics au plus court terme pendant le trimestre considéré».

Il faut déjà noter le contraste suivant: netteté des pénalités quand le solde du compte d’opération est débiteur; floue de la rémunération quand il est créditeur. Dire que le solde créditeur sera rémunéré au «taux d’intérêt général égal à la moyenne arithmétique des taux d’intervention de la Banque de France sur les effets publics au plus court terme pendant le trimestre considéré», est une périphrase, un charabia, qui laisse libre cours à l’Etat français pour décider seul ce que sera le taux auquel il rémunérera les réserves africaines lesquelles, conformément au nazisme monétaire qu’est la zone franc, sont contractuellement et obligatoirement déposées au Trésor français.

Quels sont les taux dont la moyenne arithmétique sera le taux d’intérêt qui rémunérera le solde créditeur du compte d’opérations? Personne, y compris les gouverneurs des banques centrales africaines, ne le sait, sauf l’Etat français. De quels «effets publics» s’agit-il au juste quand on parle «des taux d’intervention de la Banque de France sur les effets publics au plus court terme»? Et que signifie ici d’ailleurs le «au plus court terme»? Est-ce le «au jour le jour»?

Si nous observons les trois taux mentionnés plus haut: le taux des opérations principales de refinancement, le taux de facilités permanentes de dépôt au jour le jour et le taux de facilités permanentes de prêt marginal au jour le jour, les chiffres sont bien faibles depuis le 15 octobre 2008.

A cette date, le premier taux est de 3,75%, il baisse continûment, pour s’établir à 0,05% le 10 septembre 2014. Le deuxième taux est de 2,75% le 12 novembre 2008. Lui aussi baisse continûment et atteint 0,00% le 11 juillet 2012 et reste à ce niveau jusqu’au 11 juin 2014 où il devient -0,10% et redescend ensuite pour devenir -0,20% le 10 septembre 2014. Le troisième taux, celui des facilités permanentes de prêt marginal au jour le jour, est de 3,75% le 12 novembre 2008, et baisse pour s’établir à 1,75% le 13 mai 2009. Le 13 avril 2011 il remonte à 2,00%, atteint 2,25% le 13 juillet 2011, revient à 2,00% le 9 novembre 2011, et depuis lors, baisse sans interruption pour s’établir à 0,30% le 10 septembre 2014.

Pourquoi fournir tous ces taux? Parce qu’il nous semble qu’ils sont ceux qui devraient servir à calculer la moyenne arithmétique dont parle l’article 7 de la convention du compte d’opérations. Nous voyons que ces taux restent très faibles, surtout pour l’épargne et les revenus confisqués des Africains. Chacun peut essayer de calculer une moyenne arithmétique de ces taux. Une moyenne arithmétique de petites quantités restera une petite quantité. Et comme parmi ces quantités, certaines sont négatives, on n’imagine à quel point les Africains sont pénalisés. Cet article 7 et ces tout petits taux, montrent une nouvelle face de l’incongruité monétaire et financière qu’est le compte d’opérations.

La politique prolongée des taux bas et même négatifs de la Bce, conjuguée au quantitative easing de cette institution, rendent caduques les textes réglementaires et contractuels de la zone franc. C’est la conclusion logique qui découle de l’annonce, le jeudi 22 janvier 2015, du président de la Bce, Mario Draghi.

Publié avec l’aimable autorisation de l’auteur M François Ndengwe est économiste et rédacteur en chef d’Hommes d’Afrique Magazine

Source: François Ndengwe | HAM n°73 | Février 2015

 

Source : http://lider-ci.org/cfa-quantitative-easing-draghi-rend-caduque-zone-franc/

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